1er jour
Maintenant que nous avons récupéré nos bagages, il nous reste plus qu'à les déposer à l'hôtel que nous avons réservé. Nous pourrons alors nous ballader librement sans se fardot. Je sais exactement ce que nous devons faire : Prendre le bus n° 119 qui nous déposera à la première station de métro que nous rencontrerons, prendre la ligne jaune tendre l'oreil pour percevoir une voix familière qui m'indiquera la "další stanice" , descendre à Flora puis finir le trajet à pied. Mes souvenirs vieux de deux petites années demeurent intacts. Je me rappel très bien les sorties au Roxy, au chapeau rouge ou dans d'autres boîtes à nous biturer à la Betcherovka avec J&B et ses amis d'errasmus, tout comme je parviens toujours aisément à m'orienter dans la ville. Quand nous cherchâmes Stéf et moi une destination où passer les vacances je lui ai suggéré Prague en disant que ça ne me dérangerai pas d'y retourner, ça l'a enthousiasmé. Depuis, j'attendai alors cette journée où nous atterirons à l'aéroport de Prague Ruzyne en espérant pouvoir lui en mettre plein la vue durant notre séjour dans ce cadre féérique. Il a néigé abondamment sur la Bohéme et les trottoirs sont recouverts d'un épais manteau blanc. Nous parvenons à gagner l'hôtel sans faire de mauvaise chute. Notre chambre et plus que correcte par rapport au prix que nous avons déboursé ( environ 20 € la nuit ). Le temps de nous réchauffer un peu et nous sortons rejoindre le centre qui se trouve à dix minutes de marche, pour manger un morceau. Comme nous sommes en plein milieu de l'après-midi, nous nous arrêtons au premier Mac Do que nous rencontrons. Une fois rassasiés j'entreprends de faire à Stef une rapide visite de la capitale Tchèque en passant notamment par le Pont Charles où nous nous étions promis de nous embrasser. La nuit tombée, nous nous rendons sur une terrasse à portée de vue de l'horloge astronomique où se tiennent à sa base, des guides que l'on distingue à leur parapluie coloré et qui proposent des visites des lieux hantés de la ville. Face à eux nous boirons quelques grogs, un plaid sur les genoux avant de rentrer nous coucher.
2 ème jour
Une fois sortis du lit, nous descendons au rez de chaussé de l'hôtel prendre le petit déjeuner. Je mange copieusement afin d'accumuler assez d'énergie pour marcher une bonne partie de la journée en affrontant le froid.
J'avale tout ce que je peut engloutir de la charcuterie fade et sans saveur, du fromage sans goût et sans odeur, du café et du jus d'orange devant les yeux médusés de mon petit moineau sans appétit qui se contente d'un bol de céréales. Sous de fins cristaux de glace, nous regagnons le centre-ville à pied. Tout en marchant, j'enfile mon bonnet pour me protéger du froid qui me mord les oreilles.
_ Il faudrait moi aussi que je m'achète un bonnet, me supplie Stéf transie comme le petit oisillon piégé par l'hiver, abandonné par ses parents car il n'avait pas apprit à temps à voler de ses propres ailes.
_ On va regarder à cela, je pense que l'on en trouvera un dans une des nombreuses boutiques de souvenirs.
C'est prêt du wax muséum, sur le marché qu'elle trouvera une chapka en fourrure synthétique de couleur noire qui une fois posée sur sa tête lui donnera un air de poupée Russe.
_ Dois-je désormais t'appeler Natalia ?
_ Non, Catarina, Catarina POVLOF !
Catarina et moi-même donc, nous nous dirigeons à nouveau vers le Pont Charles que nous devrons traverser pour monter jusqu'au château. Avant que nous nous trouvons au dessus de la Vtlava au pied de la tour gothique, j'achète à un marchand ambulant deux gobelets de vin chaud.
_ Je ne sais pas si tu aimes cette mixture mais ça aura au moins le mérite de te réchauffer, Vashe zdo´rovye ! puis en trempant les lèvres, j'en ai bu de bien plus mauvais.
Revigorés, nous franchissons le Pont où sont installés des croqueurs, des photographes vendant leurs clichés et un vieil homme qui fait tourner du papier à musique. Puis nous remontons jusqu'au château en empruntant des rues à fort dénivelé. Au pied la muraille de pierre qui entoure Hradčany comme une ceinture autour de la taille, nous prenons une photo panoramique de la ville et ses nombreux clochers à nos pieds. L'appareil photo toujours à la main, nous entrons dans la cours du château en passant devant deux gardes qui attendent droits, immobiles, le cérémonial de la relève que j'avais filmé au cours de mon premier séjour ici. A notre droite, se trouve le palais présidentiel devant lequel sont garées de luxueuses berlines allemandes alors que devant nous, se tient la cathédrale Saint-Guy, un mélange d'art Gothique et d'art Roman qui culmine si haut, que je n'ai pas assez de recule pour la prendre de la tête au pied d'un seul cliché. Nous entrons dans cette bâtisse du XIV ème siècle car sa visite est gratuite contrairement à d'autres éléments du château.
_ Il faut se découvrir dis-je en chuchotant à la fraîchement baptisée Catarina.
Nous faisons le tour de la cathédrale puis quittons le château en descendant une petite ruelle pavée, sur l'autre versant de là où nous sommes venus, loin de la circulation dans le silence le plus complet que même le gazouillis des oiseaux ne vient interrompre.
_ ça va ? Tu ne dis rien ?
_ C'est par ce que j'ai froid, je ne dis jamais rien quand j'ai froid.
Pour que mon petit oiseau de paradis chante à nouveau dans cet enfer blanc, nous nous arrêtons dans un café prêt du métro Malostranska et nous commandons chacun un grog. Après une première lampée, Catarina évacue ses derniers frissons en se secouant les plumes et se met à siffloter.
_ Quel air fredonnes-tu ?
_ Don Juan de Mozart. Je ne cesse de l'avoir dans la tête depuis que nous sommes passés devant le théâtre où la pièce fût représentée la première fois.
_ Tu as donc retrouvé ta langue ? Le rhum te l'a décongelé ? C'est une bonne chose, nous voici à nouveau opérationnels pour la suite de la visite ?
_ Oui.
Nous vidons nos verres, nous nous couvrons en enfilant gants, écharpes et bonnet et de là où nous sommes, nous longeons la Vtlava jusqu'à ce que nous arrivons à hauteur du Pont Charles. Nous traversons un parc où d'étranges bébés de pierres sculptées marchent sans visage, à quatre pattes, sans craindre les engelures, puis nous entrons au chaud dans le musée Kafka. Cette visite et pour moi inédite mais m'intéresse au plus haut point puisque ces deux dernières années, je pris le temps de lire deux de ses œuvres : la métamorphose et lettre au père. La vie de Kafka et la trace qu'il laissa dans le cœur des pragois interpelle aussi la curiosité de Catarina en bon professeur de français qu'elle est. Informés des relations compliquées qu'eut l'auteur avec son père mais aussi avec les femmes, nous faisons un tour dans la boutique de souvenirs puis nous sortons dans la cours du musée où nous photographions deux statues mobiles d'hommes en train d'uriner. Puisque nous sommes juste à côté du musée d'art moderne, nous nous épargnons une longue marche glaçante et entrons aussitôt à l'intérieur, contempler le travail d'artistes tchèques à travers d' œuvres interactives qui attendent que les visiteurs déclenchent leurs mécanismes pour se mettre en mouvement. La nuit commence à tomber sur Prague et déjà la brume recouvre le Pont Charles, ce qui donne une dimension fantastique au décor planté devant nous et inchangé depuis des lustres. Nous nous rendons dans un sports bar dans une rue perpendiculaire à la place Venceslas où lors de la précédente Coupe d'Afrique des Nations, nous allâmes avec J-B regarder des matchs diffusés sur des écrans géants en sirotant des Pills.
_ On peut prendre un verre ici, après nous pourrons nous restaurer dans la salle à côté. Je me souviens que l'on pouvait manger de très bonnes pizzas à pate fine et cuites au feu de bois pour seulement quatre euros, le demi-litre de bière compris.
_ Oui, ça me va. Qu'est-ce que tu prends ?
_ Une Becherovka avec du tonic. Et toi ?
_ De la Becherovka ? Qu'est ce que c'est ?
_ Un alcool de plante, ça fait quarante degrés et je trouve ça pas mauvais.
Catarina prend la même chose que moi mais en voyant la grimace qu'elle fait en trempant ses lèvres, je comprends qu'elle n'en apprécie pas le goût. Après que nous ayons pris l'apéritif, nous nous rendons dans la pièce voisine et commandons à manger. Malheureusement, les pizzas ont été rayées de la carte et nous optons tous les deux pour un Goulasch. A nouveau, Catarina grimace en voyant arriver nos assiettes remplies d'une viande bouillie en sauce sur laquelle flottent des galettes de pain et de pommes de terre. Le repas sera finalement meilleur qu'il n'en avait l'air et nous terminons nos assiettes au moment où sur les écrans de télévision, l'arbitre en tenue bicolore, rayée verticalement, siffle la fin d'un derby de hockey sur glace opposant les deux clubs de Prague : le Sparta et le Slavia.
Avant de rentrer à l'hôtel, nous nous posons dans un bar à cocktail situé dans le quartier juif ( Josefov ) et réputé comme le meilleur de la ville. Sous une lumière tamisée et au son de vieux tubes des années soixante, soixante-dix ( sweet home Alabama, Only You, brown sugar, etc. ) Nous buvons quelques verres, du rhum Mathusalem douze ans d'âge pour ma part et des Téquilas Sunrise pour la fille des îles en manque de soleil.
3ème jour
A l'heure du petit déjeuner accompagnés de notre guide de poche, nous décidons qu'aujourd'hui, nous irons visiter Malà Strana et la Colline de Petrin avant de danser toute la nuit au son de la musique techno au Roxy. Pour nous rendre à Malà Strana, nous repassons sur le Pont le plus célèbre de l'ancienne cité impériale depuis lequel on peut apercevoir au loin, sur le sommet d'une colline, un métronome géant qui bat la mesure. Pour accéder à cet ilot de verdure qui fournissait autrefois de nombreuses pierres pour la construction des édifices pragois, nous prenons le funiculaire car je n'ai pas le courage de me retaper les 299 marches à pied comme je le fis courageusement, seul au lendemain d'une soirée passée en boîte avec J-B et d'autres étudiants venus de tous horizons. Arrivés sur les hauteurs de la ville, nous allons visiter une réplique de la tour Eiffel dont le véritable modèle enthousiasma les pragois lors de l'exposition universelle de 1889. Nous gravissons la structure métallique de l'intérieur et à chaque palier, j'essai de prendre une photo du paysage autour de nous mais il y a beaucoup de brume qui masque tous les bâtiments que j'ai dans le viseur. Nous continuons de monter quelques marches pour accéder au point le plut haut de la tour et je m'aperçois que Catarina demeure depuis un petit moment silencieuse, ne prononçant pas un mot, que se soit en français ou en yaourt tchèque.
_ Tu as faim puce ou tu as froid ?
_ J'ai faim et avec tous ses efforts, j'ai l'impression que mes jambes vont défaillirent !
_ J'ai vu que l'on pouvait manger quelque chose au pied de la tour. On termine la visite et tu pourras te remplumer, ok ?
Au pied de l'ascenseur que nous avons refusé de prendre, dans un snack qui se nomme " le café de Paris ", nous buvons un grand café liégeois recouvert d'une chantilly lourde et pâteuse et mangeons un bout de gâteau au chocolat qui n'est pas moins suspect, un peu comme le sont les pâtisseries allemandes.
Maintenant que le ventre de Catarina ne gargouille plus en faisant du bruit à la façon d'un évier qui se vide, nous poursuivons la visite de Malà Strana. Nous passons devant le palais des glaces que nous jugeons sans intérêt puisque nous pouvons trouver ce type de labyrinthe de miroirs dans de nombreuses fêtes foraines ou dans n'importe quel parc d'attraction. Nous continuons notre marche dans la neige devenue craquante sous l'effet du gel, jusqu'à se que nous nous arrêtons par hasard devant la façade d'une maison sur laquelle est fixée une plaque représentant un soleil tant désiré par nos organismes engourdis. Ce type de plaque servait autrefois de moyen de repère car les habitations n'étaient pas numérotées. Il fait déjà bientôt noir et avant que les températures ne dégringolent, nous reprenons le funiculaire. Nous descendons rue Ujezd et nous n'avons rien d'autre à faire en attendant l'heure où nous pourrons sortir en boîte, que d' entrer dans un café et descendre des choppes de bière. Nous entrons dans un bar typique et nous sommes visiblement les seuls étrangers à nous attabler au milieu des habitués qui après une journée de travail se retrouvent ici presque par tradition.
_ Ici, ne t'étonne pas si tu vois des gens venir s'asseoir à côté de nous. Il est courant que par manque de place, des personnes s'invite à partager notre table, cela donne un petit côté convivial.
_ C'est donc pour cela que tu cherchais un endroit où l'on trouverait que des tchèques ?
_ Exactement !
J'ai à peine le temps d'en ajouter sur le sujet que deux ouvriers passent la porte d'entrée, laissant s'engouffrer à l'intérieur un courant d'air réfrigérant et nous demandent s'ils peuvent poser leur fesses à côté des nôtres. En s'approchant de nous, le barman prend la commande pour les nouveaux venus et en constatant que mon verre est vide, me fait un signe de tête pour me demander si je désire une autre Budweiser.
_ Aussi, dès que tu as fini ton verre, un serveur passe et le remplit à nouveau. Si tu n'en désire pas une autre, il te faut le retourner ou mettre la main dessus pour le signifier. De plus, on pourrait croire que la Budweiser est une bière américaine mais il en est rien, elle est tchèque ! Le fabricant U.S a perdu un procès contre son homologue de l'Est et a du depuis changer le nom de sa boisson et l'appeler Bud.
_ En effet, c'est amusant ! J'aime bien cet endroit !
_ Peut-être pourrions nous en chercher un autre tout aussi typique pour manger ?
Au bout de quelques temps, je me décide enfin à couvrir mon verre de la main quand le serveur vient me proposer une énième bière. Nous sortons et à quelques centaines de mètres, nous trouvons un petit restaurant dans lequel le temps semble s'être arrêté depuis des siècles, un peu comme le sont les cafés bruns à Amsterdam. Nous prenons à nouveau du goulasch car c'est la seule nourriture que nous connaissons sur la carte. Pendant le repas, nous entendons de la musique qui provient du sous-sol. Repus, nous descendons les marches qui nous mènent à une cave voutée et payons un droit d'entrée au bar du niveau -1 pour accéder à la petite salle où se trouve un concert de jazz. Nous nous installons à une table, devant nous deux musiciens accompagnent une chanteuse à qui ses six ou sept mois de grossesse la rendaient rayonnante. Pendant un court silence, entre deux chansons je me lève et me dirige vers le bar pour commander deux cocktails. Un homme qui se tient sur un tabouret un verre à la main, lit la sérigraphie sur mon t-shirt :
_ Aide la police, tape-toi dessus. Tu es français ?
_ Oui, de Lille et vous ?
_ Je vis ici, je travaille à l'ambassade.
_ C'est une chouette ville Prague, j'y étais déjà venu il y a deux ans et j'ai tellement adoré que j'ai décidé d'y revenir avec ma petite amie.
_ Oui, c'est sûr, c'est pas mal mais je préférai de loin quand je travaillais à Moscou. Vous avez loué une voiture pour visiter ?
_ Non, nous faisons tous nos déplacements à pied, en tramway ou en métro.
_ Prenez-garde à ne pas vous endormir dans les transports en commun ! Des petits malins en profite pour vous cisailler les poches avec un cutter, puis ils ramassent ce qui en tombe. J'ai déjà vu pas mal de touristes français qui se pointaient à l'ambassade et qui n'avait plus un sou, ni de papier.
_ Oui, je suis au courant de ses pratiques.
_ Ce n'est jamais bien méchant, juste de petits larsins de magouilleurs mais à part ça, vous ne serez jamais ennuyé. Si toutefois vous avez un jour un souci, n'hésitez pas à venir me voir.
_ Et bien, j'espère que je n'aurez pas à vous demander quelque chose dans ces circonstances. Faut que j'y retourne, le concert reprend. Bonne soirée à vous et merci.
Les musiciens rangent leur instrument et l'heure et venue pour de nous rendre au Roxy dans le quartier juif. Je retrouve facilement l'ancien théâtre transformé en temple de la musique électro underground. Pour y entrer, nous descendons au sous-sol en empruntant un escalier dont les marches sont recouvertes de moquette rouge. Ici, il n'y a pas de dress-code, vous pouvez venir en jean, t-shirt, basket et vous vous fondrez au milieu de créteux au cheveux rouges vêtus d'un Marcel et d'un treillis. Sur la piste, nous dansons un moment sur de la transe que balance le D'J du haut de ce qui était autrefois la scène. Au bout de quelques temps, la fatigue se fait ressentir, je me dirige au bar commander un coca et une bière, derrière le serveur sur un présentoir, je vois que l'on peut acheter des feuilles longues. Nous nous asseyons à une table, des jeunes viennent squatter les deux chaises laissées libres et roule un joint avant de l'éclater devant tout le monde. Il est apparemment toléré de fumer de l'herbe dans cet endroit et devant l'entrée, deux blacks habillés à la façon des rappeurs américains ( casquette de camionneur, chaînes et bagues en or bling bling et doudoune Helly Hansen ) piétinent en attendant les clients afin de leur refourguer le fruit d'une culture indoor. Nous retournons un peu nous trémousser sur la musique mais à presque quatre heures du matin, nos jambes ne suivent plus, nous décidons alors de rentrer à l'hôtel. A ce moment précis, je ne doute pas des difficultés que nous rencontrerons pour rentrer. Dans mon esprit, il suffit de nous rendre à la station Nàmésty Republiky située non-loin de là où nous sommes pour prendre un tramway qui circule toute la nuit. La température est descendue de sept degrés en dessous de zéro et lorsque nous arrivons à Nàmésty Republiky, nous découvrons qu'il n'y a pas de tram avant six heures.
_ Ce n'est pas grave, il doit certainement passer à Florenc, la station juste à côté.
Nous marchons plus d'une heure dans la neige à la recherche d'une station où s'arrête le tramway que nous devons prendre mais nous ne la trouvons pas. Finalement, nous nous retrouvons au point de départ à Nàmésty Republiky alors qu'il nous aurait fallu un quart d'heure pour rentrer directement à pied. Assise sur un banc, Catarina commence à hiberner le menton collé sur sa trachée, le nez tendu vers le sol et les mains dans les poches en serrant ses ailes contre ses hanches.
_ Ne t'endors pas ici, ou tu vas tomber en hypothermie !
A mon conseil, je n'eu pas de réponse.
_ Hey ! Ho !
Toujours rien.
_ Allé, lève-toi, nous allons marcher un peu !
Je saisi Cat sous les aisselles pour la relever et durant les dix minutes qu'il restent à attendre, nous nous efforçons de marcher de long en large sur le quai.
De retour à l'hôtel, Cat prend une douche chaude et tout de suite après, s'allonge dans son nid sous les couettes en tremblotant, il lui faudra un long moment avant de se réchauffer.
4ème jour
Les yeux encore mi-clos, je cherche mon téléphone en tapotant des mains sur la table de nuit pour en éteindre l'alarme. Instantanément avant que je ne me rendorme, je m'habille et descend prendre le petit déjeuner pendant que Catarina émerge tout doucement et me rejoigne. Nous nous sommes levés tôt juste dans le but de remplir nos estomacs après quoi, nous retournons dans notre chambre, faire la grasse matinée.
Il est midi quand nous nous réveillons pour la deuxième fois. Après que nous ayons fait notre toilette, nous descendons vers Staré Mestro à la recherche d'un endroit où nous restaurer. Nous passons sous un pont sur lequel est collée une affiche indiquant que Gogol Bordelo se produira en concert ce vendredi. A côté de l'affiche sont tagués des messages anti-américains, des messages de protestation contre le projet d'installation d'un bouclier anti-missiles. Près de l'hôtel de ville, nous entrons dans un pub irlandais et commandons des grogs et des " Fish an chips ". Au cours du repas, je me met à parler des concerts auxquels nous assisterons une fois rentrés à Lille.
_ En mars, il y a un festival qui se nomme les paradis artificiels, il y aura Prodigy pour lequel tu as déjà ta place, puis il y aura également Wax Tailor si ça te dit de venir à Lille y assister...
Cat ne me répond pas. Le bec penché vers son plat, elle picore quelques frites lentement sans même feindre prendre du plaisir.
_ Qu'est ce qu'il y a ?
_ Non rien.
_ J'ai dit quelque chose de mal ?
_ Non, rien je t'assure.
_ Je vois bien que quelque chose te turlupine !
_ Quand tu me dis que je peut venir à Lille en mars, ça veut dire qu'on ne se verra pas avant ?
_ Arfff ! C'était donc ça ! Non, ça veut dire qu'on se verra en mars mais aussi avant et après. Mange donc, plutôt que de te monter des films !
Sous le porche du pub, en reboutonnant nos blousons, nous demandons ce que nous pourrions visiter l'après-midi.
_ Il y a un musée de la torture mais je l'ai déjà fait, de plus on en trouve de similaires à Londres ou à Amsterdam. En revanche, j'ai cru voir qu'il y avait un musée du fantôme sur la route menant au château.
_ Ah ! Cool, nous n'avons qu'à le faire !
Au rez-de- chaussée du musée, sont exposés des panneaux de bois sur lesquels sont écrites en anglais différentes légendes auxquelles les pragois sont fort attachés, notamment celle du Golem de Prague. Au bout de quelques temps, je peine à me concentrer et à lire dans une langue qui n'est pas la mienne. Malheureusement, il n'y a jamais de commentaire en français dans tous les musées de la ville. Nous descendons au sous-sol éclairé d'une faible lueur rouge. Cat avance devant moi quand soudain elle pousse un cri d'effroi, fait demi-tour et se jette dans mes bras.
_ Ce n'est rien Miss Povlof ! Je te présente Oscar ! En cours de sciences nat, nous avions le même qui se tenait à côté du tableau noir.
_ C'est par ce que j'ai été surprise !
Pas tout à fait remise de ses émotions, Cat la poule mouillée, me donne la main quand nous traversons à nouveau le Pont Charles sur le chemin du retour. Une scène plutôt drôle finit par lui faire reprendre ses esprits. Un cygne se balade fièrement sur le Pont et bien qu'il se tienne tranquille, il faut pas moins trois policiers, hésitants, craignant tous de se faire pincer pour intercepter l'intrus et le rejeter dans la Vatlava. Pour clore la journée, je propose à Cat de visiter le musée du sex toy ce qui ne l'emballe pas, les pratiques déviantes de personnes particulièrement libérées voir volages, ne l'intéressent guère.
Nous nous replions alors sur le musée du communisme mais nous tournons en rond sans le trouver. Nous repassons place Venceslas et demandons à un marchand enfermé sur le trottoir dans son kiosque à journaux, entre deux nuages de fumée qui émanent des vendeurs de saucisses présents aux quatre coins de la place, s'il peut nous vendre des timbres. Celui-ci nous répond qu'il faut aller dans un bureau de poste pour en acheter, nous en demanderons à l'accueil de notre hôtel. Je suggère alors à ce que nous nous rendons près de la résidence universitaire où se trouvait J-B et de nous mêler à des pragois dans un bar, loin des sites touristiques. Nous descendons au bout de la ligne A à Dejvickâ et repérons à la station de bus, celui qui nous emmènera à l'aéroport tôt le matin, après-demain. Après plusieurs piva, nous dinons puis nous nous rendons dans un bar à cocktail branché dans lequel il y a foule. La carte que je tiens dans mes mains à hauteur des yeux est impressionnante. Je m'amuse à choisir une décoction à base de rhum et de coco qui serait susceptible de plaire à Catarina mais mon choix ne s'avéra pas judicieux. Placés près de la fenêtre, nous regardons la neige tomber et amusés, nous rions des gens qui glissent sur le trottoir et se rafraîchissent bien involontairement les fesses dans la poudreuse. Quelques cascades plus tard, nous entreprenons de nous rendre au Karlovy Laznè pour notre deuxième sortie de la semaine. Cette boîte est l'anti- thèse du Roxy, un endroit immense que quelques jeunes touristes propres sur eux peinent à remplir. La musique commerciale fait écho dans le vide. Nous nous attardons pas dans cet endroit qui est et qui restera le seul que je n'ai franchement pas aimé à Prague. Pour retourner à l'hôtel je ne prend pas le risque de laisser nos pas dans la neige , des pas qui partiraient dans tous les sens pour revenir au point de départ comme seraient ceux du Yéti qui aurait perdu sa boussole, je hèle donc un taxi qui nous déposera quelques minutes plus tard, devant la porte d'entrée de l'hôtel.
Dernier jour de visite.
Ce matin, nous montons dans un bus qui nous emmène dans le quartier Josefo. Je propose alors à Cat à que nous visitions une synagogue car je n'en ai jamais visiter une.
Près du vieux cimetière juif, nous achetons deux pass pour entrer dans la synagogue espagnole. Ce lieu de culte dont la décoration est de type mauresque, a été construit sur les ruines de la plus ancienne synagogue de la ville. A l'intérieur, nous sommes attentifs à une exposition qui explique comment s'organisait autrefois la vie des juifs dans le ghetto. Après cette visite qui nous laisse un tantinet le moral dans les chaussettes, nous allons nous réconforter en entrant à l'intérieur d'un restaurant pour y manger quelque chose de chaud.
A la tombée de la nuit, je finis par convaincre miss Povloff d'entrer enfin dans le musée du sex toy pour une visite beaucoup plus ludique que celle du matin. A l'intérieur, on y voit rien de choquant et ce sont plus des jeunes couples de touristes que des vieux pervers en longue gabardine qui découvrent à travers des vitrines, quelques étranges accessoires, masques de cuir, représentations du Kâma-Sûtra et chaises membrées...
Le lendemain, nous décollerons de bonne heure mais après avoir pris notre repas, nous pouvons nous empêcher de retourner une dernière fois sur le Pont Charles, poussés par je ne sais quelle froce invisible. Dans la brume que les lanternes peinent à transpercer, je dis tout haut dans mon esprit " au revoir " aux fantôme de Prague, car comme pour la première fois avant mon retour en France, je ne peut leur dire adieu. Depuis que j'ai posé le pied ici il y a deux ans, ils hantent mon cœur et je ne suis pas encore parti que j'éprouve déjà l'envie irrésistible et le besoin psychiquement vital, de revenir, comme pour exorciser cette douce mélancolie qui s'installe en ce moment même en moi, qui m'envahit le corps et l' âme en entrant dans mes poumons sous la forme de vapeur d'eau