~~Je suis dans le train qui arrivera dans quelques heures à la gare de Montpellier. Pour passer le temps, j'imagine un remake du film bienvenue chez les ch'tis, dans lequel un Thiérachien, part pour des raisons professionnelles, s’installer dans l’Hérault. Je cherche dans mon sac à dos de quoi noter ce qu'il me passe par la tête. Je sors mon agenda orné d'un logo sous lequel est écrit le slogan : « Hirson, une ville à la campagne ! », puis je tâtonne au milieu de mes shorts, t-shirts, tongs, casquette et serviettes de plage, à la recherche d'un stylo. Je n'ai pris ni veste, ni pantalon car un ami m'a prévenu avant mon départ :
_ Tu vas une semaine à Palavas ? Tu vas mourir de chaud là bas, il peut faire 30, 40, 50 degrés ! C'est le SUUUUD, le SUUU-DE !
Je griffonne quelques pages jusqu'à ce que le train s'arrête à Nîmes. Il me reste donc une petite heure de trajet avant de relier Montpellier. Bien que le soleil à son zénith brille de mille feux à travers la vitre, je ne ressens pas les désagréments de la chaleur dans le wagon climatisé. Le train arrive enfin à Montpellier, je descends sur le quai et je me dirige vers un jeune agent de la SNCF en charge de renseigner les voyageurs.
_ Excuses-moi tiot ! Tu sais où sont les navettes pour Palavas ?
Celui-ci me répond avec une voix chantante et en prononçant distinctement chaque syllabe, chaque voyelle, chaque consonne, même muette.
_ Et bien vous prenez l'escalator qui se trouve devant vous, c'est au dessus, à l'étage, me dit-il en faisant succéder différentes notes, différents accords.
_ Ben pourquoi tu parlo en chantant ? T'es bègue c'est ça ? T'es obligé de chanter pour ne pas buter sur chaque mot qu'tu dis ?
_ Pas du tout Monsieur, c'est notre façon de nous exprimer à tous ici !
_ Ben en voilà une drôle de façon ! Et bien merci tiot, à la revoyure !
Une dizaine de kilomètres séparent Montpellier de Palavas, sur la route je scrute le paysage. Nous passons devant des marrés salins dans lesquels pataugent des flamants rose qui n'ont pas encore pris leur teinte flashy. Nous arrivons à Palavas, à l'entrée de la station balnéaire, est garée sur le trottoir, une caravane aménagée avec un comptoir encastré sur le flanc ouvert. Je demande à la personne assise à côté de moi :
_ Vous aussi vous avez des baraques à frites dans le Sud, ce n'est donc pas une spécificité du Nord de la France ?
_ Ce n'est pas une baraque à frites Monsieur ! C'est un glacier !
_ Ah mais quel babache je fais ! C'est vrai que l'on ne mange jamais de glace chez nous autres, il fait trop froid et humide dans not coin !
J’arrive à l'appartement de ma cousine chez qui j’étais invité . Après un rapide tour du propriétaire, je m'installe sur la terrasse, face à la mer.
_ ça ne te dérange pas si j'enlève mon t-shirt ? Je suis blanc comme un cachet d'aspirine, il faut que je bronze un peu.
_ Non, vas-y met toi à l'aise, du moment que tu gardes ton short !
Torse-nu, je m'installe sur une chaise en plastique en tournant le dos à la Méditerranée et au soleil puis, je commence à feuilleter le roman d'un auteur qui a vécu en Thiérache : " L'exode " de Claude Mouflard.
_ Alex vient de m'appeler, en rentrant du travail, il va s'arrêter à la poissonnerie et nous apporter un plateau de fruits de mer, tu aimes ça ?
_ Je pense que oui. Une fois par an, après une balade au marché de la Sainte Catherine à Hirson, il est de coutume que nous mangeons un moules-frites.
_ Et bien là, c'est un peu différent, tu verras...
En fin d'après-midi, Alex rentre de sa journée de prospection, un plateau de fruits de mer à la main.
_ Bonjour Bérenger ! Ne me dis pas que tu m'as attendu pour boire l'apéro ? Attend, que je me débarrasse de tout ça et nous passerons aux choses sérieuses.
Pour nous ouvrir l'appétit, nous buvons tous les deux une boisson anisée bien connue des joueurs de pétanque et des minots.
_ Bon les mecs, si l'on mangeait ? Je meurs de faim !
Alex se lève, sort le plateau de fruits de mer du frigidaire et débouche une bouteille de vin du pays de l'Hérault.
_ Domaine d'Aupilhac 2004 ! Je pense que ça fera amplement l'affaire, qu'en penses-tu ?
_ Tu n'aurais pas plutôt du cidre ?
_ Avec coquillages et crustacés ? Tu es tombé sur la tête ma parole ! Goûte donc à ça ! Tout ce qui se trouve sur la table sont des produits frais et locaux, sauf les huîtres qui viennent du bassin d'Arcachon mais selon la poissonnière, elles sont excellentes. Tu aimes les huîtres ? Tu en as jamais mangé ? Essaie-donc, fais comme moi ! Qu'en penses-tu ?
_ Mmmm, c'est bizarre, on croiro que j'ai un glaviot dans eul' bouc ! Je vais plutôt manger les écrevisses là, j'en ai déjà pêché gamin dans l'étang de Luzoir. Hein ? Des langoustines ?
_ Et que penses-tu du vin ? Moi je le trouve très bien, rond en bouche.
_ C'est mi qui vais être rond si je reprends ne serait-ce qu'un verre !
Derrière moi, le soleil se couche dans la mer ne laissant visible au dessus de l'eau, qu'un demi-cercle rougeoyant. Subitement, des frissons me montent des pieds à la tête.
_ Que t'arrive t-il Bérenger ?, me demande Ludi, mais tu es tout rouge ! Tu as chopé un coup de soleil. Je me lève de ma chaise, tourne le dos à ma cousine en relevant mon t-shirt jusqu'au épaule.
_ Tu es complètement cramé ! Heureusement que j'ai de la biafine, je vais t'en passer. Cette nuit là, il est près de cinq heures du matin quand je parviens enfin à trouver le sommeil car mon dos et l'arrière de mes cuisses me font atrocement souffrir. Je suis contraint de m'allonger sur le ventre, ce qui n'est pas ma position idéale pour tomber dans les bras de Morphée. Il est presque midi quand Thomas vient me réveiller en sautant pieds joints sur le canapé où j'avais installé mon campement.
_ Alors l'écrevisse ? Tu as bien dormi ? Il y a du café encore chaud dans la cuisine, sers-toi en un. Les cheveux ébouriffés, pieds nus, je sors une tasse du placard et me sers un café que je bois debout.
_ Tu ne t'assieds donc pas ?
_ Je ne peux pas Ludi, l'arrière de mes cuisses me brûle tellement que je n'ose me poser dessus. Aurais-tu de la chicorée ? Du maroilles et du pain ?
Toute la journée, je la passerai allongé sur le canapé, sur le ventre à scribouiller mon improbable scénario en prenant comme anecdote ce qui venait de m'arriver.
_ Je ne te propose pas de venir avec nous à la plage ?, me raille Ludi pendant que je cherche l'inspiration.
_ Non, je ne préfère pas aujourd'hui, je pense que ça ira mieux demain.
Au milieu de l'après-midi, le petit et sa mère ne sont pas encore rentrés qu'Alex revient prématurément de son travail. En poussant la porte il émet un ricanement sonore et me demande.
_ Alors, tu n'es pas parti faire bronzette avec les autres ?
_ Non, pour le moment, je longe les murs pour rester à l'ombre. Et toi ? Tu as fini ta journée ?
_ Oui, j'ai un rendez-vous qui s'est décommandé alors comme le vent est favorable, je pense que je vais en profiter pour aller faire un peu de kite-surf, tu connais ?
_ Pas vraiment non, j'ai déjà fait du char à voile sur la côte d'Opale mais le kite-surf, ça me dit rien.
_ En fait, il s'agît de tenir en équilibre sur une planche tractée par un cerf-volant.
_ Oh ! oui, je vois ! Tous les ans à Berck, il y a un championnat du monde de cerf-volant, tu devrais voir ça, c'est génial.
_ Il y avait autrefois le festival du film groslandais à Berck. Vous avez prévu quelque chose demain ?
_ Ta chère et tendre à un rendez-vous médical à Montpellier, j'en profiterai pour l'accompagner et visiter la ville.
_ Si ça te dit, je vais voir des clients à Sète et Nîmes après-demain, je peux t'y déposer si tu veux.
_ Oui, ça me tente bien. Allé, file t'éclater en kite et ne te fais pas emmener au large !
Le lendemain, j'accompagne en carette Ludi jusqu'à Montpellier et nous décidons qu'après sa visite chez le médecin, nous nous retrouverons Place de la Comédie. La Place de la Comédie n'est pas très différente de la Grand Place de Lille. On y trouve les même enseignes, l'incontournable fast-food aux couleurs rouge et jaune, les mêmes filles cachées sous leurs lunettes de soleil grandes comme des pare-brises, la ceinture Guess autour de la taille et un sac en papier Zara à la main. Même les punks à chien semblent avoir fait le voyage avec moi. La chaleur est écrasante, je cherche une terrasse ombragée pour me rafraîchir et je m'installe sous des parasols aux couleurs d'une célèbre chaîne de brasserie. Un pingouin s'approche de moi, un plateau posé sur la paume de la main droite.
_ Bonjour, Monsieur, qu'est ce que je peux vous servir ?, roucoule t'il.
_ Une Chimay blanche s'il vous plaît.
_ Désolé monsieur, nous avons uniquement de l'Heineken ou de la Loburg. C 'est tout ce que nous avons.
_ Il est indiqué sur votre façade que vous êtes la plus grande brasserie de tout Montpellier et vous n'avez que deux malheureuses mousses sur votre carte ?
Le garçon de café se tient devant moi et reste sans réponse, la bouche béante.
_ Servez-moi donc une Loburg.
Je tourne la tête à ma droite puis sur ma gauche et scrute les étudiants Montpelliérains qui se prélassent comme des couleuvres au soleil, aucun d'entre- eux n'a un verre de bière à la main. J'entame mon deuxième demi quand Ludi me rejoint avec Tho-tho.
_ Alors que penses-tu de Montpellier ?, me demande t'elle.
_ Ben c'est pas terrible, pour aller boire un verre, je préfère encore aller à la frontière Belge à Macquenoise chez Marianne, au moins là, ils ont du choix !
Dans la voiture commercial d'Alex, en route pour Sète, je me demande comment je vais pouvoir occuper ma matinée dans cette ville et aussi l'autre moitié de la journée à Nîmes. Peut importe, la curiosité prend le dessus et avec mon appareil photo en bandoulière, un peu de liquide dans les poches, je me sent prêt à flâner sans but précis et tomber sur quelques curiosités aux hasards des rues et ruelles empruntées. Alex me dépose près du port de Sète et me donne rendez-vous à cet endroit précis à midi pour revenir me chercher. Je me balade le long du port où se tenait il y a quelques semaines, un festival de joute sétoise. Les affiches à moitié déchirées, collées sur les lampadaires témoignent de ces festivités passées. Je m'éloigne un peu de la côte, tombe sur un square entouré d'arbres et j'encadre dans mon objectif une jolie fontaine dans laquelle se baigne une gigantesque pieuvre sculptée. A quelques mètres du square, j'explore un jardin botanique bien entretenu puis en redescendant vers le port en empruntant un autre chemin que celui que j'avais foulé à l'aller, je passe devant la maison natale de Georges Brassens. Je me souviens alors la photo en noir et blanc connue de tous et sur laquelle sont rassemblés autour d'une table ronde Le chanteur Sétois, Brel le Belge et Léo Ferré qui vécu les premières années de sa vie en Nouvelle Calédonie. En milieu de journée, nous mangeons avec Alex dans sa voiture, un hamburger acheté à un clown aux cheveux rouge, accompagné de frites surgelées que je ne peux tremper dans la Piccalilli ou encore la sauce biki puisque Ronald n'avait que de la mayonnaise et du ketchup à nous proposer.
Nous arrivons à Nîmes en début d'après-midi. Nous nous enfonçons dans le centre-ville et passons devant un stade délabré, plus vieux et moins bien entretenu que ne l'est le stade Léo Lagrange d'Hirson.
_ Ne me dis pas que les crocodiles Nîmois jouent au foot dans cette antiquité ? Ma remarque fait éclater de rire Alex.
_ Ben quoi ? En plus, ça ne doit pas être évident de circuler les soirs de match avec toutes ces voitures et ces feux rouges !
_ Ce n'est pas un stade boubourse ! Il s'agît bien d'une antiquité certes, n'as-tu jamais entendu parler des arènes de Nîmes ?
Un peu gêné par ma bévue je tente de rattraper le coup en expliquant à Alex que la bourde n'en était pas une mais qu'il s'agissait d'une blague et qu'il n'avait pas saisi mon sens de l'humour désopilant.
_ Ah Ah ! C'est ça ! Il y a également une arène à Palavas où se tiennent réguliérement des corridas au cas où tu voudrais en voir une.
_ Ah ça non ! On est pas des barbares en thièrache, voir des taureaux se faire massacrer, non merci !
_ Il n'y pas pas si longtemps de cela, il y avait une grande tradition de combats de coqs dans le Nord, le Pas de Calais et la Belgique. Allé, on se retrouve ici à dix-huit heures, bonne visite !
En descendant de voiture, je fais le tour des Arènes, passant devant la statue d'un torero puis je m'arrête regarder la vitrine d'une boucherie sur le trottoir d'en face. Après un rapide coup d'œil sur l'étalage, j'entre à l'intérieur. Un boucher, la blouse ensanglantée, un stylo derrière l'oreille sort de la chambre froide et pose les deux mains sur le comptoir faisant face à moi.
_ Bonjour jeune-homme, qu'est ce que je peux faire pour vous ?
_ Dites-moi, elles sont bonnes vos fricadelles ?
_ Mes quoi ?
_ Ben vos fricadelles.
_ je ne vois pas de quoi vous parlez.
_ Et bien si, les grosses saucisses à frire en vitrine.
_ C'est de la saucisse de taureau Monsieur, ce n'est pas du machin-truc, comment vous dites déjà ?
_ De la fricadelle. Tant pis, vous avez du cheval ?
_ On ne mange pas de cheval ici ! En Camargue, les chevaux, on s'en sert pour travailler. Maintenant, j'ai du boulot, fichez-moi le camp !
Je ne me fais pas attendre pour déguerpir avant que le boucher ne me transforme filet américain. A l'extérieur, je me dis que les commerçants ont ici des drôles de manières pour accueillir le client mais cela n'entame en rien mon enthousiasme pour découvrir cette citée. Il est facile de m'orienter puisque un peu partout, des panneaux indiquent où se trouvent les nombreux monuments romains, qui sont pour la plupart dans un état de conservation exceptionnel. je m'arrête dans un premier temps devant Le Castellum divisorium, un bassin circulaire datant du 1er siècle d'où partaient des tuyaux de plomb qui acheminaient l'eau vers les fontaines et différents quartiers antiques. Ensuite, je grimpe la rue pour arriver au sommet du Mont Cavalier, des perles de sueur sur le front, en suffocant, je contemple la tour Magne, édifice octogonal haut de trente-deux mètres. A la recherche d'un peu d'ombre, je redescend par les jardins de la fontaine, romantique jardin à la française où poussent de nombreux végétaux méditerranéens. Sous la protection de quelques arbres, des hommes d'un certains âge se disputent une partie de boules. Je regagne ensuite le centre-ville en passant devant la maison carrée, un temple romain qui jadis dominait le forum et enfin, en attendant Alex, je m'assoie à une terrasse face à l'amphithéâtre et déguste un verre de ma boisson favorite. Quand ce dernier vient me chercher et me demande mes impressions, je lui répond :
_ Nîmes de rien, cette ville est fort jolie !
Pour ma dernière journée dans le Sud, je profite que mes coups de soleil soient estompés, pour accompagner à la plage, Ludi et le petit Thomas. Sous mon t-shirt, je me suis badigeonné allégrement de crème solaire indice 50. Je me suis également protégé la cafetière en revêtant fièrement un bob publicitaire et contre les risques de déshydratation, je me suis prémuni en emportant avec moi une glacière pleine de canettes de bière. La plage n'est pas très jolie, les promoteurs immobiliers se sont donnés à cœur joie et se sont une multitude de bâtiments blancs qui se dressent face à la mer. Bien que le climat soit un peu plus chaud, je viendrai presque à regretter la tranquillité d'un site comme celui de Blangy. En fin d'après-midi, je me rend chez un caviste et achète quelques vins du Languedoc que je ramènerai chez moi, certains pourront peut être accompagner dans un parfait accord une ficelle picarde ou une salade au lard.
J'aurai voulu illustrer le récit de ces visites par quelques photos que j'avais prises pendant mes pérégrinations, malheureusement, de retour à Neuve-Maison, je fis une mauvaise manipulation informatique et tous mes clichés disparurent du blog où je les avais mis en ligne. En plus des photos du Sud -Est de la France, je perdis celles de mon séjour passé à Amsterdam ainsi que celles prisent dans les vignes lors de ma dernière campagne de vendange