Je me souviens avoir dit un jour, c'était lors d'un apéro bien arrosé entre amis où l'on refaisait le monde, je me souviens avoir dit : " Un ces quatre, je participerai bien à une étude de marché, histoire de réviser et mettre en pratique les cours de marketing qui m'ont été dispensés quelques années auparavant et dont je n'ai jamais eu l'utilité jusqu'à maintenant".
C'est donc volontiers que j'ai répondu positivement à un mail m'invitant à participer à une enquête sur les voyages tout en grappillant un petit chèque de 45 euros.
Le rendez-vous était pris pour le 09 Novembre 2011 à partir de 18h30 à l'Espace Flandres, 48 rue des canonniers à Lille. Le remue-méninge devait durer trois heures. Le jour même, je reçu un autre mail qui m'informait que l'entrée des participants se ferait au n° 46 et non au 48 comme il était indiqué précédemment. Dix minutes avant l'heure, je me pointe au lieu de rendez-vous. Un panneau affiché sur la porte d'entrée indique la marche à suivre pour entrer pendant la période des travaux : " Prendre l'ascenseur ou l'escalier pour descendre au niveau -1, traversez le parking, prenez la porte tout au bout, remontez au niveau 1 et vous êtes arrivés. " J'appelle l'ascenseur qui donne dans la rue, rien ne se passe. Je sonne à l'interphone :
_ Oui ?
_ Bonjour, je viens pour la réunion sur les voyages.
_ Ok, je vais vous ouvrir. Il vous faudra descendre au sous-sol, traverser le parking, vous verrez, c'est fléché. Ensuite, remontez au 1er étage et nous serons là.
L'accès se fait à la manière d'un jeux de piste. Je suis des indications scotchées aux murs et aux portes en passant des sas, montant et descendant des marches tout en slalomant entre des plaques de Placoplatre non-installées. Au bout du parcours d'agility, je me présente à une hôtesse.
_ Signez-ici Monsieur, cela me permettra de vous donner votre chèque aussitôt la séance terminée car en général, tout le monde est pressé de partir à la fin.
Formalités faites, on m'invite à patienter dans un couloir à côté de quelques-uns de mes congénères arrivés avant moi. Je pose mes fesses et sort de mon sac à dos le bouquin que j'avais en cours " ................" Je feuillette quelques pages le temps de laisser les retardataires arriver et enfin nous sommes invités à entrer dans une salle face à nous. A nouveau, je franchis une porte et découvre une salle avec un miroir sans teint, une table basse jouxtée de neuf chaises, une seule tourne le dos au reflet du miroir, probablement le siège de l'intervenant. Au fond, une estrade sur lequel est installé un binoclard, les yeux rivés sur son pc portable. J'ôte ma veste, l'accroche à un porte-manteau sous l'œil insistant d'une caméra, rejette un regard tout autour de moi dans le loft et constate qu'il n'y a pas de buffet comme il nous avait été promis. Je peste, je n'ai pas fait les courses, mon frigo et vide et le demeura ce soir puisque je ne pourrai pas rentrer avant les vingt-deux heures. Je m'assieds, devant chacun, sur le plateau de verre de la table basse se trouve une cafetière et une tasse. En dessous à nos pieds, une bouteille d'eau, une brique de jus d'orange, un bloc-notes et un stylo.
Une femme à lunette que la bienséance m'interdit de donner un âge, même approximatif, prend la parole et nous invite à faire un tour de table. Je crache les formalités habituelles : Prénom, âge, profession, statu marital, à quelle fréquence je voyage... Tous les membres du panel ont à peu près la trentaine. Certains sont mariés, d'autres pas. En ce qui concerne les catégories socioprofessionnelles, nous sommes en présence d'un chef de produit dans une banque, d'une ingénieure SNCF, d'un gestionnaire en assurance que je représente et d'autres corps de métier que je n'ai pas imprimé.
La table ronde (qui en réalité est rectangulaire) commence par un petit jeu à la façon " Des chiffres et des lettres " où six personnes à tour de rôle doivent citer une consone ou une voyelle. C'est six lettres forment alors un mot ( L.E.B.Z.N.A ) qui dans notre imaginaire doit représenter un animal.
_ Comment le voyez-vous ?, nous demande la maitresse de cérémonie.
Je réfléchis à quoi peut bien ressembler un L.E.B.Z.N.A et imagine un rongeur de la taille d'un capibara de couleur fauve, un animal vif, craintif et social. Je suis apparemment le seul à me le représenter de la sorte puisque certains voient un poisson de corail du genre de Némo, tandis que d'autres ont personnifié un félin de grande taille, un redoutable prédateur. Ce petit jeu n'était qu'une mise en bouche puisque rapidement nous entrons dans le vif du sujet :
_ Maintenant, que vous êtes en condition. Citez-moi toutes les agences de voyage que vous connaissais.
_ Voyages S.N.C.F balance sans grande surprise l'ingénieure cheminote.
De façon collégiale nous embrayons et dictons à l'organisatrice qui note au tableau tous les voyagistes qui nous viennent à l'esprit : Marmara, Carrefour Voyage, Auchan Voyage, Leclerc, FNAC voyage, THOMAS Cook, Afat, Opodo, e-booker...
_ Très bien. Maintenant, parmi la liste que nous avons, pouvez-vous regrouper toutes ces enseignes en différentes catégories ? Une fois que vous aurez procéder au découpage, veuillez nous donner un mot qui caractérise le plus ces noms dans leur catégorie.
Ainsi les enseignes de la grande distribution comme Carrefour Voyage, Auchan, Leclerc, La Fnac..., se retrouvent entourés d'un cercle au marqueur jaune.
_ La grande distribution oui, mais avez vous quelque-chose de moins conventionnel, ce qui vous vient à l'esprit.
_ Les opportunistes., sort le banquier qui j'ai l'impression, va largement dépasser son temps de parole au cours de cet entretien.
_ Les opportunistes, d'accord. Et en ce qui concerne le groupe que composent Thomas Cook, Afat and co ?
_ Les traditionnalistes., Je prends à nouveau l'initiative, comme pour justifier le chèque qui me sera remis aux environs de 21h30.
_ Les traditions ou les conservateurs pourrait-on dire aussi. Ensuite, que diriez vous des enseignes comme Opodo, voyages moins cher, etc ?
_ Ce sont des comparateurs.
Cette suggestion provient de ma gauche. C'est une petite bien en chère, mal fagotée qui la propose. Rassuré d'entendre qu'elle n'est pas totalement devenue muette depuis les présentations, je la scrute du coin de l'œil et sa situation me revient, rien qu'à la regarder : " maman au chômage ". La reine-mère de la famille pleupleu a certainement plus besoin de ces 45 € que moi me dis-je. A t'elle réellement voyagé ? Est-elle allée au moins une fois dans un autre pays étranger que la Belgique ? Ou a t'elle tout simplement menti lors des présélections au téléphone ? Je l'ignore et me pose légitimement la question.